Saint Beuve dit que vieillir est encore le seul moyen de vivre longtemps. Façon de dire que vieillir est pénible mais que
nous n’avons pas d’autre choix. La tradition nous lègue une vision où la vieillesse est un simple déclin. C’est le temps
d’une perte de capacité, d’une perte de relation avec les autres et le monde. On connaît le discours.
Si tel était le cas on ne voudrait pas vieillir. Mais « vieillir », qu’est-ce que cela veut dire ? Il n’y a pas qu’une vieillesse
mais plusieurs. 60 ans ce n’est pas 90 ans. Et le vieillissement n’est pas un phénomène homogène. On pourrait même
actuellement parler d’une insolente vieillesse, dans laquelle nos anciens semblent jouir d’une excellente qualité de vie.
Mais peut-être parle-t-on d’une première vieillesse, celle du « jeune » retraité, du « jeune » grand-parent qui va se lancer
dans le projet d’une vie plus authentique. Qui fait bien des envieux...
Les années vont offrir une autre expérience, celle du grand-âge, jadis l’âge du vieillard. Loin, d’être un déclin, ce grand âge nous
libérera de tous les maîtres et proposera une nouvelle perception du bonheur centrée sur le plaisir bien entendu, mais aussi sur la
trace et l’héritage. Vieillir devient alors l’occasion de devenir un passé pour les autres.